Les oblitérations circulaires des Boîtes Mobiles de la Manche

 

LES OBLITÉRATIONS CIRCULAIRES DES BOÎTES MOBILES DE LA MANCHE

 

 

Elles sont de deux types : SOUTHAMPTON MB et LONDON MB

Il y a un peu de littérature sur la première, notamment une brochure de Bryan HUNT (dont j'ai racheté une partie de la collection), mais rien sur la seconde. Du moins je n'ai rien trouvé.

D'une manière générale, je me pose plus de questions que je n'ai de réponses.

On rencontre le plus souvent ces oblitérations sur des cartes postales touristiques d'avant la GrandeGuerre, affranchies avec un timbre français et envoyées en Grande Bretagne. Elles ont été rédigées,soit sur le bateau, soit sur le lieu de vacances :

  • Dieppe pour London MB
  • Saint Malo, plus rarement Cherbourg ou Le Havre, pour Southampton MB

On en trouve en bon état entre 8 et 15 livres la pièce. J'en ai près d'une centaine, toutes différentes.

Les cartes postales à destination de la France, ou d'un pays tiers, ou affranchies avec des timbresanglais, sont beaucoup moins communes.

Quant aux enveloppes, notamment commerciales, on en trouve très peu. Quelques fois on a de la chance ; le vendeur en ignore la réelle rareté et la laisse à vil prix. C'est pour ça que j'aime ce genre de collection : tout est à découvrir, c'est peu fréquent et ça reste abordable.

 

Le fonctionnement "normal"

La brochure de HUNT montre des photos de la boîte mobile en service entre Saint Malo et Jersey.J'imagine que les boîtes installées sur les autres lignes étaient semblables, mais ce n'est qu'une hypothèse. Ces boîtes étaient à la disposition des passagers du bateau, et, une fois celui-ci à quai dans un port français, elles étaient déplacées et accrochées à la passerelle d'accès, permettant aux promeneurs d'y glisser leur courrier sans avoir à monter à bord.

Au retour dans le port anglais, elles étaient ouvertes et leur contenu était pris en charge par les services postaux britanniques. C'est à ce moment-là que l'oblitération de boîte mobile était apposée.

Southampton était la destination des bateaux en provenance du Havre, de Cherbourg et de SaintMalo, alors que la ligne de Dieppe arrivait à Newhaven. Mais le cachet correspondant de boîte mobile porte mention de Londres et non de Newhaven. On peut donc penser que le courrier était transporté tel quel à Londres et qu'il y était oblitéré, même s'il était à destination de Newhaven ou de Brighton. Cela reste à documenter !

Je me promets depuis plusieurs années d'aller faire des recherches sur place, mais je n'en ai jamais trouvé le temps...

 

Les précurseurs de Southampton

Il existait depuis longtemps des marques Southampton MB de forme caractéristique ("tombstone"). Elles étaient apposées sur des lettres en provenance du Havre. Il y en a deux types : le premier avec le millésime sur quatre chiffres (photo A précurseur SMB 1),

A PRECURSEUR SMB 1

le second sur deux chiffres seulement (photo A précurseur SMB 2).

A PRECURSEUR SMB 2

Je ne sais pas de quand date le passage du premier type au second, sans doute vers 1880.

 

Southampton MB de France vers Angleterre avec timbres français (usage normal)

L'oblitération circulaire prend la suite de la tombstone (je pense qu'il n'y a pas recouvrement des deux) mais, fait nouveau, elle concerne aussi les bateaux provenant de Saint Malo et Cherbourg. Le passage de l'une à l'autre s'est fait entre 1894 (date de la plus récente tombstone que je possède, sur la photo précédente) et 1898 (date de ma plus ancienne circulaire, photo B SMB A1, provenant deSaint Malo).

B SMB A1

Voir également (photo B SMB A2) un entier Sage de 1899 provenant de Cherbourg.

B SMB A2

L'arrivée des cartes postales illustrées provoque une explosion du trafic, qui s'arrêtera avec la Grande Guerre ; la saison touristique 1913 sera donc la dernière. Compte tenu du texte de certaines correspondances, je crois possible que beaucoup de cartes aient été portées jusqu'à la boîte non par leurs expéditeurs, mais par les portiers des nombreux hôtels proches de l'embarcadère dont les clients déposaient leurs cartes à la réception.

Voici une des premières de ces cartes, avec un usage tardif du type Sage (photo B SMB A3) ; la norme au début est le Mouchon, puis la Semeuse lignée rose, enfin la Semeuse camée rouge.

B SMB A3

Le service reprend en 1920. L'oblitération est d'un nouveau type, simplifié, sans mention de l'heure (Photo C SMB).

C SMB

Les cartes sont beaucoup moins nombreuses qu'avant la guerre, et on n'en trouve plus guère après 1930. Le courrier commercial en revanche continue d'être acheminé par la boîte mobile jusqu'à l'occupation des côtes normandes par l'armée allemande.

La lettre censurée du 10 avril 1940 (photo D SMB) est peut-être la dernière date connue (c'est en tous cas ce que laisse entendre Hunt).

D SMB

On remarquera qu'elle porte un troisième type d'oblitération,apparue dans les tous derniers mois de fonctionnement de la boîte mobile : les lettres de FRANCE sont plus fines et plus hautes, alors que les lettres MB sont plus trapues. C'est la seule lettre que je possède avec ce type d'oblitération, que j'ai également sur des timbres commémoratifs détachés.

 

Southampton MB dans l'autre sens

Regardons le photo E SMB.

E SMB

C'est une carte-lettre, malheureusement sans texte. On ne sait donc pas avec certitude où elle a été écrite. Elle est affranchie avec des timbres français, elle est à destination de la France, mais elle est au tarif international, comme le serait une lettre au départ d'un bureau français à l'étranger. On peut donc penser qu'elle a été mise à la boîte sur le bateau dans le sens France-Angleterre, et qu'une fois à Southampton elle a été traitée comme si elle avait été affranchie avec des timbres anglais ; elle a ensuite dû repasser par Calais et Paris. Un grand tour !

 

Southampton MB vers d'autres cieux

Une carte de Saint Malo (photo F SMB A1) adressée en 1905 à Calcutta, redirigée ensuite sur Ootacamund (station touristique dans le district des Nilgiris) ;

F SMB A1

Une enveloppe commerciale du Havre pour Seattle, affranchie en 1921 par un 50 centimes Merson (photo F SMB A2) ;

F SMB A2

Pour ces deux envois, le trajet dans la boîte mobile n'aura représenté qu'une partie infime de leur parcours, maritime puis terrestre...

Enfin, une enveloppe pour Genève (photo F SMB A3), affranchie en janvier 1934 avec des timbres britanniques. Elle n'a certainement pas été écrite à terre, car elle aurait été mise à la poste ordinaire. Le monogramme "Consulat Général des États Unis du Brésil" laisse penser qu'elle vient du Havre.

F SMB A3

 

La ligne de Dieppe, dans le sens France-Angleterre

La pièce la plus ancienne que je possède est un entier Sage (carte-lettre à 25 centimes) oblitéré le 23 août 1895 (photo K LMB A1).

K LMB A1

La plage de Dieppe et son casino attiraient beaucoup de visiteurs britanniques. Les cartes postales touristiques sont donc nombreuses : cela me fait quasiment une collection de vues de Dieppe.

La plus précoce que j'ai date du 13 juillet 1902. Elle est affranchie par un Mouchon collé à l'envers (photo K LMB A2).

K LMB A2

Comme pour les lignes arrivant à Southampton, la boîte mobile de Dieppe à Newhaven cessa de fonctionner pendant la Grande Guerre. Le trafic reprend en 1920, sur un rythme réduit.

Sur la photo K LMB A3, une carte de 1924, affranchie par un Merson.

K LMB A3

 

Ligne de Dieppe vers la France

La photo L LMB montre une carte de 1907 adressée à Vierzon. Au verso, ce n'est pas une vue de Dieppe, mais une vue de Newhaven.

L LMB

Elle est affranchie avec des timbres anglais, au tarif étranger ; on peut supposer qu'elle a été mise à la boîte sur le bateau, ou peut-être à quai à l'arrivée ?

Sans doute est-elle ensuite passée par Calais et Paris. On peut remarquer que l'oblitération est du 4, alors que l'écriture est datée du 3 (ou même du 2 ?).

 

London MB sans rapport avec la Manche

Pour les quatre pièces montrées ici, il est clair que le parcours postal n'a rien à voir avec la ligne trans-Manche de Dieppe à Newhaven. L'oblitération de boîte mobile a été apposée sur le timbre,d'évidence à Londres, sur des lettres ou des cartes postées en pleine mer et dont Londres était, soit le terminus maritime, soit la première escale. Elle jouait donc en quelque sorte le rôle normalement dévolu à la griffe "PAQUEBOT" requise par l'UPU. Elle ne se distingue en rien de l'oblitération des pièces venant de Dieppe ; elles devaient donc sans doute être toutes frappées au même endroit. Mais où, dans quel bureau, je n'en sais rien, je n'ai trouvé l'information nulle part.

Sur la photo M LMB A1, une lettre très ancienne (septembre 1896) de Göteborg à Londres. Le verso de l'enveloppe est richement illustré.

M LMB A1

Sur la photo M LMB A2, une carte de 1906, rédigée à Madère et à destination de Copenhague. Elle est affranchie par un timbre anglais. Le texte est du 21 septembre, le cachet de Londres du 29 et l'arrivée du 1er octobre.

M LMB A2

Sur la photo M LMB A3, une "carte maximum" des pyramides d’Égypte adressée à Preston (dans le Lancashire). Le texte est savoureux : "Je ne peux voir autour de moi que du sable". Il est du 19 août 1907, le cachet de Londres est du 24.

M LMB A3

Sur la photo M LMB A4, une carte écrite à Ténérife en 1906 et envoyée à Dunkerque. Le timbre est espagnol ; mention du bateau "SS Valencia".

M LMB A4

 

Et pour terminer, Army & Navy

Les nostalgiques du Royal Horticultural Hall, où se tenaient jadis les salons philatéliques Stampex d'automne et de printemps, se souviennent sans doute de ce grand magasin situé au coin de la Victoria Street et de Artillery Row, et racheté depuis par Houses of Fraser. Army & Navy était une coopérative, fondée à l'origine en 1871 par les épouses des officiers de la marine et de l'armée des Indes, forcément loin de la maison une grande partie de l'année. Je me suis souvent mis en tête d'en écrire l'histoire, mais ce n'est pas le confinement du COVID qui m'y aura aidé. En tous cas c'est pour moi une petite collection, qui comporte entre autres des entiers timbrés sur commande et des timbres perforés.

J'ai deux pièces communes à ma collection de boîtes mobiles circulaires et à celle d'Army & Navy, toutes deux de 1931.

L'une porte la marque Southampton (photo N AN1) et des timbres anglais, au tarif intérieur.

N AN1

L'autre porte la marque London (photo N AN2) et un timbre français, au tarif international.

N AN2

Les enveloppes étant vides, je n'ai aucune indication sur leur provenance.

Autre précision : cette dernière pièce est la plus tardive que je possède avec l'oblitération London MB. Je ne sais quand, officiellement, le service s'est arrêté ; en tous cas, bien avant celui de Southampton.

Philippe KAMINSKI, le 29 mai 2021